
Chutes sévères : le médecin doit aussi sensibiliser les "jeunes" seniors
En augmentation, les chutes chez les plus de 65 ans sont à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité importantes. Si le "plan anti-chute des personnes âgées" prévoit des actions de prévention à destination des plus fragiles, le médecin doit aussi sensibiliser les "jeunes" seniors.

La prévalence des décès par chute chez les personnes âgées a été revue à la hausse, avec des chiffres augmentés de 36% par rapport aux estimations initiales. "Les données de référence du plan anti-chute étaient de 10 247 décès pour 2016 mais de 13 985 décès avec notre algorithme", a rapporté Marion Torres, épidémiologiste, chargée de projets et expertise scientifique (Santé publique France). Ces calculs sont fondés sur une nouvelle analyse des données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), Inserm, qui intègrent désormais non seulement les chutes codées comme cause initiale de décès mais aussi comme cause associée (par exemple, un décès de cause indéterminée combinée avec une fracture du fémur).
En outre, la mortalité avec mention de chute chez les seniors a augmenté en nombre absolu ces dernières années, passant de 15 952 décès en 2019 à 19 185 en 2023 (+20%), et en nombre relatif, passant de 117 décès pour 100 000 personnes à 132 pour 100 000 sur la même période. Une hausse de près de 13% qui pourrait s’expliquer par l’augmentation de la fragilité, de la sédentarité, du surpoids et de l’obésité, par l’iatrogénie médicamenteuse, par le défaut d’appréciation du sujet âgé de l’altération de ses capacités ou le déni de la situation, ou encore par des difficultés d’accès aux aides techniques.
Identifier les sujets et les situations à risque
Pour inverser la tendance et éviter 20 % des chutes invalidantes ou mortelles, le "plan anti-chutes des personnes âgées", lancé en 2022 pour une durée de trois ans, a comme premier axe le repérage des risques et l’alerte des professionnels de santé. 80% des chutes sont associées à deux profils, les "personnes fragiles ou dépendantes chutant à la maison lors d’une activité à faible intensité" et les "personnes autonomes n’ayant pas pris de risques particuliers (perte d’équilibre ou chute de leur hauteur)". Deux autres profils, "les seniors jeunes prenant des risques et chutant de grande hauteur" et "les seniors vivant dans une maison chutant dans les escaliers », identifiés par l’enquête prospective multicentrique ChuPADom, "sont aussi à risque", a signalé Marion Torres. "Afin de prévenir la première chute et d’éviter le basculement vers les autres profils", le médecin peut engager plusieurs actions : "sensibiliser les plus jeunes à la prise de risque et à l’aménagement du logement, évaluer précocement la fragilité, prêter attention aux médicaments, informer sur l’existence d’aides financières pour les aides à la mobilité et à l’aménagement du logement, prévenir la perte d’équilibre", a cité l’épidémiologiste.
Susciter l’adhésion du patient
Les cinq signes avant-coureurs d’un risque de chute sont l’inactivité physique et la sédentarité, la peur de la chute, la dénutrition, l’altération de la vision et de l’audition, et l’inadaptation du logement. Les capacités intrinsèques de la personne âgée peuvent être évaluées grâce à différents outils, dont ceux regroupés dans le programme ICOPE (Integrated Care for Older People, de l’Organisation mondiale de la santé), qui cible la mobilité, la santé mentale, la mémoire et la cognition, la nutrition, la vue, l’audition et, depuis 2024, la continence urinaire.
"Expérimenté dans treize centres en France, le programme fonctionne, a salué la Dre Natacha Michel, gériatre (CHRU de Tours). On peut repérer beaucoup de choses, comme de nombreux troubles auditifs qui n’avaient pas été dépistés jusque-là." Un plan de soins personnalisé est établi en fonction des besoins de chacun. Les mesures à mettre en œuvre visent à "renforcer les aptitudes, adapter l’environnement, compenser les déficits".
Le médecin devra parvenir à persuader le patient. "Il faut être convaincu et être convaincant. On doit aller chercher la motivation de chacun en fonction de l’environnement de l’individu, car la motivation est difficile à maintenir si l’entourage tient un discours négatif. Il faut commencer par ce dont le patient est convaincu, car l’adhésion entraîne l’adhésion, a recommandé la Dre Michel. Et la fragilité est réversible, il est possible de retourner à la robustesse."
Au sommaire de ce dossier :
- Violences conjugales : poser plus systématiquement la question en consultation
- Insuffisance cardiaque : des pistes pour optimiser le parcours de soins des patients
- Dépister et soigner la dépression du post-partum : le généraliste en première ligne
- Troubles du neurodéveloppement : de nouvelles missions pour le médecin généraliste
- Troubles de la santé mentale des enfants : des règles thérapeutiques à maîtriser
- Sevrage tabagique : halte aux idées reçues
Références :
D’après l’atelier "Les chutes chez les personnes âgées : focus sur un type de fragilité à repérer", lors du 18e Congrès Médecine Générale France (CMGF, Paris, du 27 au 29 mars 2025).
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