
Yannick Neuder au Sénat, mardi 13 mai 2025.
Deux jours par mois dans un désert : le principe de "solidarité territoriale" des médecins approuvé par le Sénat
Dans le cadre de la proposition de loi Mouiller en cours d'examen au Sénat, le Gouvernement a proposé un amendement visant à instaurer une "mission de solidarité territoriale" obligatoire pour l'ensemble des médecins. En cas de refus, une pénalité financière pouvant aller jusqu'à 1000 euros par jour dû est prévue.

Yannick Neuder au Sénat, mardi 13 mai 2025.
Mesure phare du "pacte de lutte contre les déserts médicaux" présenté par François Bayrou le 25 avril dernier, le principe de "solidarité territoriale" qui doit s'imposer à l'ensemble de la communauté médicale a été intégré par amendement du Gouvernement à la proposition de loi Mouiller. "Afin de garantir l’accès aux soins dans des zones considérées comme prioritaires, les médecins libéraux et les médecins salariés d’une structure de soins participent à une mission de service public de solidarité territoriale en dispensant des soins en dehors de leur lieu d’exercice habituel", prévoit l'article additionnel voté ce mardi après-midi par les sénateurs.
Le dispositif sera déployé "en deux temps", a précisé le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder. Il sera d'abord mis en œuvre "pour le premier recours" dans les "zones prioritaires" ou "zones rouges" en cours d'identification par les ARS, avant d'être étendu à l'ensemble des zones sous-denses et des spécialités médicales.
Jusqu'à 1000 euros par jour de pénalité
Les médecins "devront se relayer pour assurer une continuité d'exercice en premier recours sur le modèle de la PDSA". Si le volontariat ne suffit pas, des réquisitions pourront être ordonnées. Une "incitation financière" qui s'ajoutera à la rémunération à l'acte des consultations sera définie par arrêté. A l'inverse, "en cas de refus, le médecin sera passible d'une pénalité financière", a confirmé le ministre. "Le montant de la pénalité est fixé en fonction du nombre de jours ayant fait l’objet d’un refus de participer à la mission et de la réitération éventuelle du refus", précise l'article ajouté à la PPL.
Un décret doit fixer "les conditions d’application" de cet article, notamment "le nombre de jours maximal pour lesquels un médecin peut être désigné pour participer à la mission" - Yannick Neuder évoquant quant à lui "jusqu'à deux jours par mois" - "et le montant de la pénalité financière dans la limite de 1000 euros par jour".
Il s'agit pour le Gouvernement de "demander un peu à beaucoup de médecins pour alléger la charge individuelle", a souligné Yannick Neuder. A l'instar du ministre, plusieurs sénateurs, tel le généraliste Bernard Jomier (PS), ont en effet mis en garde contre les effets pervers de dispositifs qui ne cibleraient que les jeunes médecins. Dire que leurs "études coûtent cher, c'est une fake news parfaite", a ainsi démenti l'élu parisien. "La réalité est que les étudiants en médecine ce sont les seuls qui rapportent au pays du fait de leur 3e cycle", a-t-il insisté.
Répondant aux critiques de certains sénateurs qui ont regretté une stratégie de "bouts de ficelle" et plaidé pour une régulation de l'installation, le ministre a souligné que cette mesure de "solidarité territoriale", combinée à l'arrivée des docteurs juniors de médecine générale dans les territoires et à l'augmentation du nombre d'assistants médicaux, permettra de réallouer du temps médical dans les zones sous-denses en attendant l'augmentation du nombre de médecins formés. Pendant qu'il donnera ces consultations avancées, le médecin pourra se faire remplacer, insiste Yannick Neuder. "L"idée, ce n'est pas qu'il ferme son cabinet, mais qu'il y ait soit le docteur junior, soit son remplaçant."
Régulation de l'installation
Le dispositif se veut "complémentaire" avec celui mis en place par l'article 3 de la PPL Mouiller, également approuvé par les sénateurs ce mardi, qui conditionne l'installation d'un généraliste dans une zone "dans laquelle le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé" à un engagement d'exercice à temps partiel dans une zone sous-dotée. Un médecin soumis à cet engagement ne sera en revanche pas tenu de participer à la mission de solidarité territoriale, prévoit un autre amendement.
Les sénateurs ont par ailleurs modifié le texte initial de l'article en précisant que cet exercice partiel dans les zones sous-denses sera mesuré en "nombre d'actes" et non en temps de travail. Ils ont également étendu la mesure aux médecins salariés des centres de santé, afin d'éviter que ce mode d'exercice ne devienne "une voie de contournement" de la mesure de régulation de l'installation.
Pour les autres spécialistes, cette autorisation d'installation est conditionnée "à la cessation concomitante d’activité d’un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone" ou à défaut, à l'engagement du médecin d'exercer à temps partiel dans un désert. "A titre exceptionnel et sur décision motivée du directeur général" de l'ARS, ces conditions peuvent ne pas être exigées "lorsque l’installation est nécessaire pour maintenir l’accès aux soins dans le territoire".
Les débats sur la PPL Mouiller se poursuivent ce mardi soir.
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