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Face à un patient en état d'urgence, comment doit intervenir une infirmière ?

Pour n’avoir pas contacté directement le centre 15, une infirmière a été condamnée à un avertissement par la chambre disciplinaire de l’Ordre national des infirmiers.

04/05/2025 Par Nicolas Loubry
Infirmières
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Au cours de sa tournée journalière, une infirmière découvre, à son domicile, son patient inconscient, dans des draps souillés, avec un seau au pied de son lit contenant des vomissures et son téléphone portable. Ne pouvant déplacer physiquement son patient pour lui faire sa toilette, l’infirmière lui lave le visage et le place en position latérale de sécurité. Elle essaie de contacter son fils et son médecin généraliste pour qu’ils puissent alerter les secours. Après confirmation que le fils de son patient a bien été prévenu et en l’absence de réponse du médecin traitant de la victime, l’infirmière décide de reprendre sa tournée. Peu de temps après, le médecin traitant est alerté et prévient le SAMU qui va hospitaliser ce patient, lequel décèdera deux jours plus tard.

Une plainte disciplinaire est alors déposée par la famille de ce patient contre cette infirmière, devant l’Ordre,  pour n’avoir pas pris les bonnes décisions dans la prise en charge de ce patient âgé en situation d’urgence vitale. Il était reproché à cette infirmière d’avoir porté atteinte à la dignité de son patient et d’avoir manqué à son devoir d’assistance en interrompant la continuité des soins. Mise hors de cause en première instance, c’est en appel que cette infirmière a été sanctionnée d’un avertissement, dans une décision rendue le 15 novembre 2024 par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre infirmier. Seul, le manquement au devoir d’assistance a été retenu par l’Ordre qui a ainsi reproché à cette infirmière d’avoir contacté le médecin traitant de son patient plutôt qu’un médecin des urgences et donc le centre 15, seul organisme compétent pour gérer une urgence vitale. Et l’Ordre de rappeler l’article R.4312-43 du Code de la santé publique qui précise, qu’en cas d’urgence, une infirmière décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin et « prend toute mesure en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état ».  En l’occurrence, le centre 15, même si l’Ordre a voulu sanctionner  un comportement inadapté dans la mesure où la défaillance de cette infirmière n’a pas contribué directement au décès de son patient. Toutefois, comme l’a rappelé l’avocat Maître Léo Roque, « en précisant la portée du devoir d’assistance des infirmiers, la chambre nationale de discipline de l’Ordre national des infirmiers rappelle ainsi leur rôle central dans l’orientation des patients en situation d’urgence et la nécessité d’une vigilance accrue face aux exigences déontologiques de leur profession »(1).

Provoquer un secours adapté aux circonstances

Porter assistance à une personne en péril est une obligation légale et déontologique. Le péril doit être réel et grave, mais aussi imminent, justifiant ainsi une intervention immédiate. Ce qui pouvait ainsi être reproché à cette infirmière n’était pas de s’être abstenu délibérément d’intervenir mais de ne pas avoir provoqué un secours approprié. En sa qualité d’infirmière, elle était plus à même d’intervenir utilement, ce qu’elle a notamment fait en plaçant son patient en position latérale de sécurité. Cependant, elle aurait dû aussi provoquer un secours plus adapté aux circonstances (le centre 15), dans la mesure où le médecin traitant de son patient n’était pas immédiatement joignable, et attendre l’arrivée des secours avant de continuer sa tournée.

En choisissant la voie disciplinaire, et non la voie civile ou pénale, la famille de ce patient a souhaité sanctionner un manquement disciplinaire et la violation d’une règle professionnelle et déontologique. La non assistance à personne en danger, si elle s’impose à tout citoyen, représente une vraie menace pour les professionnels de santé exposés quotidiennement à des situations d’urgence qu’ils doivent gérer en toute sérénité.

  1. Léo ROQUE / Les précisions de la Chambre nationale de discipline de l’Ordre national des infirmiers concernant l’intervention de l’infirmier en cas de péril imminent du patient. / Revue Droit et Santé  N° 124- Mars 2025    
 
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