
En France en 2024, 450 100 femmes ont été victimes de violences physiques et 122 600 de violences sexuelles
Violences conjugales : poser plus systématiquement la question en consultation
Le médecin traitant doit oser aborder le sujet, et mettre en place éventuellement une stratégie adaptée, en particulier fondée sur des interventions brèves. Certaines données soulignent, par ailleurs, l’impact de ces situations parfois difficiles à gérer, sur le praticien.

En France en 2024, 450 100 femmes ont été victimes de violences physiques et 122 600 de violences sexuelles
En France en 2024, 450 100 femmes ont été victimes de violences physiques (dont plus de la moitié intrafamiliales) et 122 600 de violences sexuelles (dont 25% intrafamiliales). Et en 2025, déjà 35 féminicides ont été comptabilisés au 26 mars 2025. Une accélération des cas est constatée ces dernières années. La hausse était ainsi de 22% entre 2021 et 2022.
Et ces violences, qu’elles soient physiques, psychiques, verbales, sexuelles ou économiques, ont de nombreux effets sur la santé (sommeil, alimentation, mésusage de médicaments, etc.). Le travail de thèse présenté par la Dre Manon Séjourné, médecin généraliste (Les Lilas, 93), qui a étudié les caractères sociodémographiques des femmes victimes de violences, invite à ne pas avoir d’a priori : la violence atteint toutes les femmes, y compris celles qui sont en couple, ont des enfants et quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle. Les messages clés édités par la Haute Autorité de santé (HAS) dans ses recommandations de bonne pratique sur le "Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple" (novembre 2022) sont tout d’abord d’accueillir la plainte, voire de la provoquer : avez-vous subi des violences au cours de la vie ? Il s’agit aussi de soutenir la victime, de rédiger les certificats qui conviennent (en sachant que le secret médical en matière de violences a été levé depuis 2020) et d’orienter, en fonction de ses réseaux locaux, mais aussi éventuellement vers le 3919, qui peut aussi s’avérer précieux pour les professionnels de santé.
Traumatisme vicariant
Un autre travail, exposé par les Dres Charlotte Goolaerts (Les Angles, 66) et Clara Schlouch (Sérignan-du-Comtat, 84), s’est intéressé au point de vue du médecin confronté aux violences conjugales, et en particulier au traumatisme vicariant, le traumatisme que vivent par procuration les professionnels peu formés et exposés à des situations chargées d’émotions, conséquence de l’engagement empathique. Certains comparent la prise en charge de violences au suivi d’une maladie chronique, jugent difficile de garder la juste distance, se sentent impuissants, se remettent parfois en question… L’émotion, toutefois, peut être ressentie comme moteur, et cette écoute apparaît susceptible de donner un sens à la pratique. Les facteurs protecteurs identifiés sont une vie équilibrée, et plus précisément le cloisonnement, le partage des émotions et l’expérience acquise.
Hommes victimes :
Autre sujet de thèse, extrêmement peu traité dans le monde, abordé dans cette session par les Dres Maïlys Pernin, médecin généraliste (Pau), et Jade Toubeau, médecin généraliste (Bordeaux), les hommes victimes de violences entre partenaires intimes. En 2023 en France, 81 % des victimes étaient des femmes et 19 % des hommes, soit un décès féminin tous les trois jours et un décès masculin tous les quatorze jours. Là encore, le médecin généraliste est bien placé pour dépister et "ouvrir les yeux" des victimes sur ce qui est plus fréquemment des violences psychologiques, bien loin des clichés qui veulent que l’homme victime soit plus volontiers doux, timide et/ou chétif. Femme ou homme, les freins au dépistage sont similaires, mais les idées reçues sont ici patentes dans la mesure où l’information va à l’encontre des croyances. L’éventualité de violences devrait être abordée de façon non genrée, plaident les deux médecins.
Boîte de Pandore
Poser la question des violences est, bien sûr, un préalable, et après ? quelles interventions brèves peut-on proposer ? "Peut-être sur le modèle de celles que l’on adopte pour la prise en charge des conduites addictives, par exemple sur cinq à trente minutes réparties en une à quatre séances ?", s’interroge la Dre Émeline Pasdeloup (Gien et faculté de médecine de Tours) en s’appuyant sur la thèse de Raphaël Chudy (Jard-sur-Mer, 85) d’identification de ressources. Le "violentomètre" est un très bon outil dans ce cadre.
L’objectif des interventions brèves est de diminuer la prévalence des états dépressifs et des actes violents, de faciliter le recours à des comportements sécuritaires. L’identification de violences dans l’enfance est importante. Elles sont souvent le terreau de l’emprise – ou plutôt d’un contrôle coercitif, tel que défini depuis janvier 2025 – et sont à l’évidence un facteur de vulnérabilité, multipliant par 3 le risque de violences (subies) à l’âge adulte (comme elles multiplient par 40 le risque de toxicomanie intraveineuse). Pour ces pathologies du lien, le meilleur facteur de protection est d’en créer, de bénéficier de soutien.
Au sommaire de ce dossier :
- Insuffisance cardiaque : des pistes pour optimiser le parcours de soins des patients
- Dépister et soigner la dépression du post-partum : le généraliste en première ligne
- Chutes sévères : le médecin doit aussi sensibiliser les "jeunes" seniors
- Troubles du neurodéveloppement : de nouvelles missions pour le médecin généraliste
- Troubles de la santé mentale des enfants : des règles thérapeutiques à maîtriser
- Sevrage tabagique : halte aux idées reçues
Références :
D’après la session de communications orales « Violences conjugales » lors du 18e Congrès Médecine Générale France (CMGF, Paris, du 27 au 29 mars 2025).
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