
Troubles de la santé mentale des enfants : des règles thérapeutiques à maîtriser
Manque de ressources pédopsychiatriques oblige, les médecins généralistes s’occupent fréquemment des troubles psychiques des enfants de 3 à 11 ans. Leur rôle est fondamental concernant la détection, l’aide à la prévention et la prise en charge de ces jeunes patients.

Si le recours aux soins et le passage aux urgences, en particulier, reflètent déjà une situation dégradée, la publication des premières données de l’étude Enabee (Étude nationale sur la santé mentale et le bien-être des enfants) objective le mal-être des enfants de 3 à 11 ans. Or on sait que la santé mentale influence le développement, les apprentissages scolaires, les relations sociales, la consommation de substances, etc. Par ailleurs, au moins 30 % des pathologies psychiatriques de l’adulte débutent avant l’âge de 14 ans.
Au-delà du niveau de bien-être, Enabee renseigne sur les facteurs de risque et protecteurs, ce qui permet d’identifier des leviers d’action. "Globalement, 13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent au moins un trouble probable, plus souvent d’ordre émotionnel pour les filles, du comportement pour les garçons", rapporte la Dre Nolwenn Regnault, responsable de l’unité Santé périnatale, petite enfance etsanté mentale à Santé publique France.
Pour les enfants plus jeunes, 8,3 % ont au moins une difficulté probable selon des échelles conçues toutefois initialement pour des enfants plus âgés. 40 % de ces enfants ont consulté une fois sur deux un médecin généraliste. Un enfant sur deux de 6 à 11 ans n’a pas consulté de professionnel de santé.
"Pour aider au repérage et à la prise en charge, on peut compter sur de nouveaux outils, un nouveau carnet de santé en particulier, des organismes, associations ou dispositifs ressources (Ameli, Unafam, Fil Santé Jeunes) tels Mon soutien psy, des séances d’accompagnement prises en charge depuis le 5 avril 2022 dès l’âge de 3 ans, à raison d’une à onze séances selon l’avis du psychothérapeute", rappelle la Dre Catherine Grenier, directrice des assurés à la Cnam. Près de 10 % des 600 000 patients qui ont bénéficié de ces séances en trois ans sont des enfants de 3 à 11 ans, qui souffraient de troubles d’intensité légère à modérée.
Prudence avec les traitements médicamenteux
"Pour ce qui est de la prise en charge, les traitements médicamenteux viennent toujours en deuxième intention après la psychothérapie, qu’il s’agisse des antidépresseurs ou des anxiolytiques", insiste le Dr Xavier Angibault, pédopsychiatre (centre hospitalier du Chinonais, CHRU de Tours). Les antidépresseurs sont déconseillés dans la petite enfance parce que peu efficaces ; la fluoxétine indiquée à partir de 8 ans pour les épisodes dépressifs majeurs, la sertraline à partir de 6 ans pour les troubles obsessionnels compulsifs, l’imipramine ou l’amitriptyline à partir de 6 ans pour l’énurésie. Un traitement médicamenteux ne doit jamais être instauré en urgence, mais après échec d’une psychothérapie de quatre à huit semaines et avec l’accord du jeune patient et de ses parents. On vise la plus faible dose efficace en débutant à la plus petite dose et en augmentant très progressivement, par paliers.
La surveillance est rapprochée (une fois par semaine le premier mois) pour évaluer l’efficacité (après 6 à 8 semaines) et la tolérance, notamment neurovégétative, en veillant à la survenue d’un virage maniaque éventuel. Si l’amélioration est effective, le traitement doit être poursuivi six à douze mois pour éviter la rechute, et diminué par paliers avant l’arrêt. Le programme Opacité (Observance, psychothérapie, association à un autre trouble, concentration, identification de facteurs environnementaux, titration, essai d’une autre molécule) doit être déployé en cas d’inefficacité, une démarche d’aide à la prescription pharmacologique que l’on trouve sur le site de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (www.pharmacologie.sfpeada.fr).
Le seul anxiolytique à avoir une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant, à partir de 3 ans, est l’hydroxyzine, indiquée en traitement ponctuel pour les manifestations mineures d’anxiété, en sirop ou en comprimés. Hors AMM, si l’hydroxyzine était mal supportée ou inefficace, on peut recourir aux antipsychotiques de première ligne que sont la cyamémazine ou la chlorpromazine. "On ne prescrit pas de benzodiazépines chez l’enfant et l’adolescent, et jamais pour un stress post-traumatique", souligne le Dr Angibault.
En cas de troubles du sommeil, place au traitement comportemental d’abord, possiblement à l’hydroxyzine pour les insomnies liées à l’anxiété ou à l’alimémazine (pour les plus de 20 kg) en cas d’hyperactivité mentale, ou de ruminations qui empêchent l’endormissement, et à la mélatonine à libération prolongée en cas de réveils nocturnes. La prescription initiale étant du ressort du spécialiste, le renouvellement possiblement d’un généraliste.
Au sommaire de ce dossier :
- Violences conjugales : poser plus systématiquement la question en consultation
- Insuffisance cardiaque : des pistes pour optimiser le parcours de soins des patients
- Dépister et soigner la dépression du post-partum : le généraliste en première ligne
- Chutes sévères : le médecin doit aussi sensibiliser les "jeunes" seniors
- Troubles du neurodéveloppement : de nouvelles missions pour le médecin généraliste
- Sevrage tabagique : halte aux idées reçues
Références :
D’après la session plénière "Santé mentale des enfants de 3 à 11 ans" coorganisée avec Santé publique France, lors du 18e Congrès Médecine Générale France (CMGF, Paris, du 27 au 29 mars 2025).
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