
Rhinite allergique : prendre en charge les comorbidités
Le syndrome d'apnées-hypopnées obstructives du sommeil ou la polypose nasale sont des affections qui souvent coexistent avec la rhinite allergique. Les prendre en charge améliore les troubles respiratoires.

« La prévalence de la rhinite allergique (RA) est d’environ 25% de la population, équivalente à celle du syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (Sahos). Le lien physiopathologique indirect entre la RA et le Sahos conduit à ce qu’une prise en charge du Sahos améliore la RA de façon globale », introduit le Dr Valentin Favier, service ORL et chirurgie cervico faciale (CHU Montpellier), secrétaire de l’association française de sommeil en ORL. Ainsi, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande de traiter les Sahos lorsque le nombre d’apnées-hypopnées est >15/h et en présence d’au moins trois symptômes spécifiques (somnolence diurne, ronflements sévères et quotidiens, sensation d’étouffement ou de suffocation, fatigue diurne, nycturie et céphalées matinales). Dans le Sahos, l’obstruction survient au niveau des voies aériennes supérieures (VAS) via un collapsus du pharynx. « Une respiration buccale augmente la résistance respiratoire sur le pharynx créant ainsi une dépression dans cet espace. Elle va considérablement modifier l'anatomie pharyngée. Le recul de la mandibule et de la langue entraîne un rétrécissement rétrobasilingual », explique le spécialiste.
La RA favorise une respiration buccale qui va augmenter la résistance des VAS et créer à partir d'un certain seuil, un œdème de la muqueuse. L'impact de la RA sur le sommeil a été souligné à travers plusieurs études dont notamment Carioca (D. Jaffuel et al., J Investig Allergol Clin Immunol. 2024). Ce travail évaluait initialement la tolérance des immunothérapies allergénique (ITA) anti-acarien auprès de 1 494 patients et s'intéressait à l'évolution des symptômes sur un an. Environ 75% des patients se plaignaient d’insomnie à l’inclusion. Après un an de désensibilisation, ils n’étaient plus que 30%. « Le nez ne crée pas les apnées mais favorise la respiration buccale, cofacteur d’aggravation des apnées. Restaurer une ventilation nasale est extrêmement important pour la tolérance des traitements du Sahos : la pression positive continue (PPC) et l'orthèse d'avancée mandibulaire (OAM) », conseille le médecin. La PPC, par une attelle pneumatique, engage la pression continue pour dilater les VA. L’OAM avance la mandibule et la langue. « Devant une plainte de mauvaise qualité de sommeil, il faut penser au nez. Chez un patient rhinitique, il faut penser à poser la question du sommeil. Chez un patient qui a des apnées prouvées, il faut rechercher une RA, éventuellement la traiter contre les acariens. Nombreux sont les patients qui ont une obstruction nasale et ignorent être rhinitiques », conclut le Dr Favier.
Polypose nasale et la rhinite allergique : des pathologies intriquées
« La RA et la polypose nasosinusienne (PNS) sont deux pathologies jumelles sur le plan symptomatique mais avec des présentations cliniques différentes », souligne le Pr Geoffrey Mortuaire, service d’ORL et chirurgie faciale (CHU Lille). Le groupe des pathologies inflammatoires comporte plusieurs phénotypes parmi lesquels les maladies liées aux IgE (dont la RA), et celles liées aux éosinophiles, (dont la PNS). Chez les patients ayant une PNS, au moins 40% ont un asthme associé et environ 15% ont une triade de Widal. Dans un registre de patients traités pour une rhinosinusite chronique avec ou sans polype (Philpott CM et al., Respir. Des. 2018), la proportion de patients allergiques dans la PNS était de 30%.
La polypose commence à se développer entre 30 et 50 ans. L’intolérance aux sulfites est caractéristique mais également, chez 15% des patients, celle aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’éosinophilie sanguine est évocatrice. Sur le plan symptomatique, des scores de qualité de vie (SNOT-22 par ex.) permettent de bien évaluer les patients. Un critère majeur est la perte de goût et d’odorat. La nasofibroscopie est le meilleur argument pour évoquer une polypose. L’imagerie met en évidence la présence d’opacité des structures sinusiennes ethmoïdales. « En pratique, il existe un continuum avec des pathologies intriquées (rhinitiques, pneumosinusites, allergies, polyposes) et une forme d’évolutivité. Des patients peuvent avoir au départ un tableau œdémateux et puis, avec le temps, développer des polypes dans leur fosse nasale. Un profil plutôt T2 éosinophilique dépendant se met en place progressivement au cours du temps », poursuit le spécialiste.
La Société françaisse d’ORL (SFORL) recommande, comme traitement fond, les lavages de nez avant l'application d'un traitement topique par corticothérapie. En cas d'exacerbation sinusienne, une corticothérapie par voie générale est prescrite (dose cumulée maximum de 1g/an). En cas de persistance des symptômes, le recours à une chirurgie est à envisager. « Si après chirurgie, la pathologie n'est pas contrôlée sur le plan symptomatique (environ 5% des patients), les biothérapies permettent d'avoir une prise en charge intéressante », indique le Pr Mortuaire.
Rhinite allergique et obstruction nasale chez l’enfant
L’obstruction nasale, fréquente chez l’enfant, peut être provoquée par une hypertrophie adénoïdienne (toujours bilatérale). Une obstruction nasale unilatérale ou une rhinorrhée profuse unilatérale doit alerter et nécessite un avis ORL pour réaliser un examen nasofibroscopique et, le cas échéant, un scanner.
L’obstruction nasale impacte la croissance. « Souvent, les orthodontistes, nous adresse des patients pré-adolescents/adolescents pour une obstruction nasale non prise en charge qui a impacté leurs dents », indique le Pr François Simon, service ORL et chirurgie cervico-faciale pédiatrique (Hôpital Necker-Enfants malades, Paris). Lors de la consultation, il faut vérifier si l’enfant est un respirateur nasal exclusif ou buccal exclusif. Le score SN-5 permet d'objectiver les symptômes chez l’enfant. Le sommeil est évalué par l’interrogatoire des parents (ronflements, apnées, réveils nocturnes, énurésies, sueurs, fatigabilité diurne, difficultés scolaires, agitations). « L'examen oropharyngé est essentiel. L’apnée du sommeil est très corrélée à des hypertrophies adénoïdiennes et amygdaliennes. La respiration nasale exclusive provoque des modifications sur la forme du visage (face longue) et du palais (très creusé) engendrant des malpositions dentaires. Une trompe d’eustache inflammée par des végétations peut avoir un retentissement auditif. La rhinoscopie vérifie la présence d’une rhinorrée (unilatérale ou bilatérale). La fibroscopie réalisée par l’ORL, permet d’évaluer l'aspect de la muqueuse, l'hypertrophie des cornets et d’examiner les végétations », poursuit le médecin.
Efficaces chez la majorité des patients, les traitements consistent essentiellement en des lavages de nez avec du sérum physiologique et des corticoïdes nasaux associés à un anti-H1. Un bilan orthodontique doit être demandé. Ensuite, uniquement en cas d'échec du traitement médical bien conduit et en fonction du retentissement, la chirurgie (adénoïdectomie, turbinosplatie inférieure et neurectomie du nerf nasal postérieur) peut être envisagée.
Au sommaire de ce dossier :
-Cosmétiques : de nouvelles allergies de contact décrites
-Trajectoires des maladies atopiques de l’enfant : une modification est-elle possible ?
-Asthme et sport chez l’enfant : gérer la bronchoconstriction induite par l'exercice
-Urticaires : importance du diagnostic différentiel
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