Pancréas

Pancréas : ne pas omettre le risque évolutif des TIPMP

Souvent découvertes de façon fortuite grâce aux examens d'imagerie, les tumeurs intracanalaires papillaires mucineuses du pancréas (TIPMP) sont des kystes pancréatiques dont le risque évolutif doit être bien évalué. Les critères de surveillance ont été récemment modifiés. Le point a été fait sur ce sujet lors des Journées Francophones d'Hépato-gastroentérologie et d'Oncologie Digestive (JFHOD), qui se sont déroulées du 20 au 23 mars 2025 à Paris.

23/04/2025 Par Caroline Guignot
Hépato-gastro-entérologie
Pancréas

L’incidence des kystes pancréatiques augmente avec l’âge : on estime qu’environ 6% des plus de 70 ans sont affectés. Or, il existe un taux de transformation cancéreuse qui varie selon leurs caractéristiques. Il est donc indispensable de distinguer ceux qui relèvent d’une surveillance de ceux qui ont un haut risque d’évolution vers une dysplasie de haut grade ou de carcinome invasif justifiant cette dernière.

Plusieurs signes sont considérés comme étant à haut risque : ictère associé, dilatation importante du canal principal, masse solide extra-pancréatique (suggérant un adénocarcinome), résultats cytologiques positifs ou douteux. Ces patients ont un risque de décès lié à la TIPMP d’environ 40% à 5 ans, justifiant la chirurgie, suivi d’une surveillance post-opératoire avec imagerie (échoendoscopie, IRM, TDM) tous les 6 à 12 mois selon les risques propres au patient. Les paramètres inquiétants sont principalement la pancréatite aiguë, l’augmentation du taux sérique de CA 19-9, l’épaississement des parois du kyste, une taille volumineuse, ou une augmentation rapide de volume au cours du suivi... 

«Recommander une surveillance ne découle pas de données scientifiques, mais plutôt du fait de la lourdeur de la prise en charge chirurgicale», a commenté le Dr Bertrand Napoléon (hôpital Jean Mermoz, Lyon). Des nomogrammes de prédiction sont en cours de développement, et devraient être prochainement validés pour une utilisation en routine. Le rythme et la durée de surveillance dépend des caractéristiques du kyste. «La présence de plusieurs critères d'inquiétude fait basculer le patient dans une catégorie à haut risque, qui nécessite une prise en charge chirurgicale.» Et, lorsque le contexte clinique le permet et qu'il existe un haut risque de dégénérescence du kyste, ou des pancréatites aiguës à répétition chez un patient jeune, la chirurgie peut être discutée. «Dans tous les cas, il n'y a jamais d'urgence à opérer. Il faut évaluer l'indication patient par patient en l'absence d'adénocarcinome concomitant. Et il est important de réaliser une imagerie pour surveiller le parenchyme et détecter ou confirmer certains critères d'inquiétude.» Quant à la surveillance, elle peut être levée chez les sujets de plus de 65 ans lorsque le kyste, est inférieur à 30 mm et stable pendant 5 ans chez un patient de 75 ans et plus, ou inférieur à 15 mm chez une personne de 65 ans ou plus.

 

Pancréatite auto-immune (PAI) : 2 types bien différenciés 

Dans ce domaine des pathologies du pancréas, la Pre Vinciane Rebours (Hôpital Beaujon, Paris) a, par ailleurs, rappelé que les pancréatites auto-immunes (PAI) de type 1 et de type 2, bien que rassemblées sous une même étiquette, ont des caractéristiques différentes. C’est le cas sur le plan histologique : infiltrat lymphoplasmocytaire, fibrose extensive et immunomarquage positif des plasmocytes aux IgG4 pour les premières, lésions granulocytaires intraépithéliales comparables à celles de la maladie de Crohn pour la seconde. 

C’est aussi le cas concernant les présentations cliniques. Ainsi, la PAI de type 1 touche majoritairement des hommes de plus de 50 ans, et se manifeste principalement par une atteinte pancréatique, un ictère, une masse, une décompensation du diabète, une anorexie... Mais aussi par l'atteinte d'autres organes dans le cadre de la maladie systémique d’organes associée aux IgG4. La PAI de type 2 touche des sujets plus jeunes, sans différence en termes de sex-ratio, reste plus localisée et est le plus souvent associée à une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (Mici).

Quoi qu’il en soit, la corticothérapie constitue le traitement de référence des deux PAI, avec 4 semaines à haute dose (40 mg par jour), suivies d'une posologie dégressive. Le taux de rémission est de 92% pour le type 2 et de 99% pour le type 1. Une corticothérapie d'entretien visant à réduire le risque de récidive n'est pas recommandé en raison des risques associés. Si une activité résiduelle de la maladie persiste, d'autres approches immunosuppressives, ou dans un second temps par rituximab, peuvent être envisagés. L'inébilizimab, encore expérimental, pourrait devenir une nouvelle alternative dans le futur dans le traitement du type 1.

Cancer pancréatique : nouvelles molécules, nouvelles stratégies

Les mutations KRAS, présentes dans plus de 90% des cas, sont au cœur de l’attention. Après de premiers inhibiteurs spécifiques de mutations rares (G12D), et des inhibiteurs pan-KRAS, les inhibiteurs pan-RAS émergent. Ils ciblent KRAS, NRAS ou HRAS, mutés ou sauvages. Parmi eux, la molécule dénommée RMC-6236 a montré des résultats de phases 1-2 encourageants avec un taux de réponse de 30% et une médiane de survie globale non atteinte après 10 à 12 mois de suivi. Une étude de phase 3 (RASolute 302) est en cours chez des patients en échec de première ligne. 

Claudine 18.2 est une autre cible prometteuse : cette protéine de surface, anormalement surexprimée dans 20 à 30% des cancers du pancréas, est au cœur d’études cliniques avec le zolbetuximab, déjà développé dans le cancer gastrique. A plus long terme, les anticorps conjugués (Antibody-Drug Conjugates) et les CAR-T cells pourraient apporter des résultats chez les patients en impasse thérapeutique multiple. Quant au stroma tumoral, qui constitue un microenvironnement contribuant à la résistance tumorale, il fait l’objet de deux pistes : le ciblage de CD40, facilitant le recrutement des lymphocytes T, et l’inhibition de PRMT5, une enzyme surexprimée dans environ 30% des cancers du pancréas.

Sur le plan de la stratégie thérapeutique, les cancers pancréatiques localement avancés ne sont plus groupés avec les stades métastatiques dans les études cliniques depuis une quinzaine d’années seulement. Aussi, on manque encore de données. Pour autant, la chimiothérapie d'induction reste recommandée car 30 à 40% ont un risque élevé d’évolution métastatique précoce. Les protocoles de chimiothérapie les plus récents (Folfirinox ou gemcitabine-nab-paclitaxel) apportent un taux de réponse de 30 à 40%, et une survie sans progression et globale de 9-10 mois et 16-19 mois respectivement. Ensuite, les données suggèrent que 10 à 15% de ces patients pourront être opérés, après une sélection rigoureuse sur l’état général, l’atteinte vasculaire et la réponse clinique, biologique et scanographique à la chimiothérapie. «Cette chirurgie doit être réalisée en centre expert et décidée après discussion collégiale pluridisciplinaire.»  Quant à la chimioradiothérapie, elle n’engendre pas de majoration de morbidité, et peut améliorer certains objectifs secondaires (contrôle local, temps sans traitement, davantage de résections R0).

 

D’après le symposium «Nouvelles options thérapeutiques pour le cancer du pancréas» de la Fédération. Francophone de Cancérologie Digestive (FFCD), du Groupe Coopérateur Multidisciplinaire en Oncologie (Gercor) et Unicancer.

Références :

Journées Francophones d'Hépato-gastroentérologie et d'Oncologie Digestive (JFHOD), qui se sont déroulées du 20 au 23 mars 2025 à Paris. D’après le symposium scientifique «Pathologies du Pancréas, actualisation 2025» du Club Français du Pancréas (CFP).

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