
"La simple idée que la part grandissante des femmes médecins puisse être perçue comme un problème est, en soi, un problème"
Dans un courrier adressé à la rédaction d'Egora, un lecteur médecin a mis en cause la féminisation de la profession. Dans un édito, Karen Ramsay, rédactrice en chef du pôle magazines, lui répond.

Hier matin, parmi les plis déposés au service "rédaction" figurait une petite enveloppe qui m’était destinée. Deux pages manuscrites recto verso, des lettres fines au stylo bleu, une "écriture de médecin". Au temps du courriel, la démarche est peu courante mais s’apparente souvent à une forme d’épanchement lyrique faisant suite à un édito un brin chatouilleux.
Dès les premières lignes, mon expéditeur donne le ton : la société a changé, la médecine aussi. Et parmi les "problèmes actuels": la féminisation de la profession. Si le reste du propos défend divers points de vue – le difficile accès aux soins ou la capitation–, la simple idée que la part grandissante des femmes médecins puisse être perçue comme un "problème" est, en soi, un problème.
Au 1er janvier 2025, le Cnom dénombrait 120 429 femmes médecins en activité, soit 49,9% de la profession, alors qu’on en comptait 40% en 2010. Dans une étude en 2017, la Drees estimait qu’en 2034, les femmes représenteraient 60% des médecins en exercice. Une féminisation qui va de pair avec le rajeunissement de la profession: près de 6 médecins de moins de 40 ans sur 10 sont des femmes.
Aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de sortir des modèles traditionnels de référence pour voir la féminisation de la médecine comme une opportunité
Aujourd’hui, donc, un médecin sur deux est une femme, et très probablement une femme jeune. La double peine pour le système de santé? On le sait, les idées reçues ont la vie dure : les femmes médecins travaillent moins, font moins d’actes et de gardes, ont des carrières plus courtes… Or, une récente étude menée par le Collège de la médecine générale et le Cnom livre une réalité plus nuancée: elles travaillent en moyenne 8 demi-journées par semaine, contre 8,5 pour les hommes, et si on observe une baisse "modérée" du temps de travail entre les plus jeunes et leurs aînés, on est loin du "facteur 2" souvent mis en avant…
Aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de sortir des modèles traditionnels de référence pour voir la féminisation de la médecine comme une opportunité : celle de repenser l’organisation du travail, de rééquilibrer la place du métier dans sa vie personnelle, de prendre plaisir dans l’exercice médical… De faire tout simplement évoluer les mentalités afin d’en faire bénéficier toute la profession médicale, homme comme femme. Madeleine Brès a ouvert la voie dès 1875. Faisons honneur à cet héritage.
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