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Crédit : CPAM de la Somme

"Les négos ont été délétères pour l'image de la médecine générale" : le directeur de la Cnam face aux médecins de terrain

Thomas Fatôme s'est rendu vendredi 4 avril à Amiens (Somme) pour rencontrer une dizaine de médecins libéraux. Un déplacement, suivi par Egora, qui visait "à prendre la température" de la profession, alors que les revalorisations conventionnelles entrent progressivement en vigueur. Durant 1h30, les médecins ont exprimé sans retenue leur vécu des négociations conventionnelles et déploré le manque persistant de valorisation de la complexité de la médecine générale.

08/04/2025 Par Aveline Marques
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Crédit : CPAM de la Somme

Le dialogue a été courtois mais sans langue de bois. Après Vesoul et Caen, c'est à Amiens que le directeur de la Cnam avait choisi de se rendre, vendredi 4 avril, pour "prendre la température" auprès d'une dizaine de médecins libéraux -principalement des généralistes- de la Somme, réunis le temps d'une journée dans les locaux de la CPAM de la capitale picarde. Dans ce département qui compte 532 généralistes prenant en charge une file active moyenne de 1601 patients, les négociations conventionnelles ont été "très mal vécues", ont témoigné plusieurs praticiens.

"On a mal vécu de se retrouver avec un régime particulier [le règlement arbitral, NDLR], et mal vécu de devoir y aller une deuxième fois alors que s'il y avait eu un peu plus d'écoute nationale ça aurait pu passer dès la première", a déploré le Dr Stéphane Foulon, qui partage son temps entre la médecine générale à Amiens et une consultation spécialisée sur la douleur à l'hôpital. "On a bien compris qu'on nous mettait les chaines en disant que si on se déconventionnait on pourrait plus se reconventionner pendant deux ans", a-t-il poursuivi.

On a eu le sentiment qu'on clouait la médecine générale au pilori

"Pour les internes, la période a été un peu délétère sur l'image de la médecine générale et sur l'attractivité", a abondé la Pre Amélie Sellier-Petitprez, directrice du département de médecine générale de l'université de Picardie. Alors que l'installation fait peur et que de multiples choix de carrière s'offre aux jeunes diplômés, "ces dernières années, on a eu le sentiment qu'on clouait la médecine générale au pilori", a-t-elle développé, évoquant le sujet des prescriptions d'arrêts de travail. "ça laisse des traces", a-t-elle regretté.

Crédit : CPAM de la Somme

Si la généraliste installée à Vignacourt salue la volonté de rendre "plus simple, plus lisible" la rémunération sur objectifs de santé publique à travers la nouvelle convention, elle déplore encore le manque de valorisation des "actes qui prennent du temps" en médecine générale. "La consultation longue va venir, mais elle est extrêmement restreinte", a-t-elle regretté. "Le temps qu'on passe à prendre en charge un patient pour éviter un passage aux urgences, ce n'est pas assez valorisé", a-t-elle cité. "Alors quand on a 30 patients dans la journée, on finit par envoyer aux urgences parce qu'on se dit que ce sera plus rapide… Ce n'est pas ma vision de la médecine générale, ce n'est pas celle que je défends auprès des étudiants."

"Un dépressif dans mon cabinet, ça peut être 40 minutes, pour 30 euros on peut préférer faire un renouvellement de pilule", résume le Dr Manuel Vincent, généraliste à Corbie. "On est toujours sur cette course à l'acte, il va falloir faire cette reconnaissance à la qualité, non plus au nombre."

Le G à 30, "longtemps attendu", n'est d’ailleurs vu que comme un "rattrapage de l'inflation". "Le choc d'attractivité pour les jeunes est insuffisant", a pointé le Dr Benjamin Caze, généraliste à Flesselles et président de la CPTS Nord Picardie.

"Toutes les professions ont subi l'inflation, toutes n'ont pas eu la même revalorisation", a rappelé Thomas Fatôme. Si la Cnam a signé une convention représentant un investissement "inédit" de 1.5 milliard d'euros en année pleine, c'est parce qu'elle considère que "les médecins traitants (MT) sont un trésor, qu'il n'y a pas d'accès aux soins sans généraliste""On est passé dans un trou de souris en juin 2024", a souligné le directeur de la Cnam. "En septembre", étant donné la forte dégradation des finances publiques, "les 1.5 milliard ils auraient disparu", a-t-il lancé.

Les droits on en a moins, mais les devoirs on en a plus

Malgré leur engagement au quotidien, les généralistes ont l'impression que pour les pouvoirs publics, ce n'est jamais assez. Avec les revalorisations, "on s'est dit qu'on allait avoir du temps en plus pour voir nos patients plus longtemps, mais on nous demande d'en faire plus", a déploré le Dr Guillaume Clesse, généraliste à Dury. "J'exerce en MSP, je reçois souvent des patients qui ne sont pas les miens, a mis en avant Stéphane Foulon. Répondre au SAS, faire de la file active je trouve que ce n'est pas assez valorisé."

"Les droits on en a moins, mais les devoirs on en a plus", a lancé le Dr Franck Garat, médecin SOS à Amiens, évoquant la menace des mesures coercitives. "On est constamment entre le marteau et l'enclume."

"On est dans un contexte où les parlementaires, les élus locaux, les pouvoirs publics sont confrontés comme vous à la tension de l'accès aux soins, a pointé Thomas Fatôme. La question c'est : comment on y répond collectivement?" S'il s'"interroge sur la pertinence des mesures coercitives", le directeur de la Cnam estime que les débats actuels en disent "long sur les attentes des parlementaires et de la population". Tout comme le contrat d'engagement territorial (CET), qui "n'a pas été compris", traduisait la volonté de la Cnam "de reconnaître les médecins qui s'investissent". "Il y a 20% des généralistes qui ont moins de 500 patients MT, a-t-il relevé. C'est leur droit mais quand on a 700 000 patients en ALD qui n'ont pas de MT, qu'est-ce qu'on fait, comment on peut aider les médecins à répondre à ça?" a-t-il lancé. "On a travaillé avec vous sur le plan ALD, on s'est tous mobilisés", a souligné Thomas Fatôme, qui veut positionner l'Assurance maladie comme un "partenaire" des médecins libéraux et non comme un "ennemi".

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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Je vois : ne demandez pas à être payés à votre juste valeur, ça va être "délétère pour l'image de la médecine générale." À moins d'être un saint éthéré, on ne sera jamais à la hauteur. Et vas-y
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Débatteur Passionné
il y a 2 mois
Petite question par rapport à la photos d'illustration qui semble montrer les salles de réunions des commissions paritaires départementales (il y a eut des économies d'échelle sur les architectes des
Photo de profil de Fabien Bray
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Il manque les palmiers, les dents blanchies retouchées et le sourire éclatant de jeunes médecins en train de s'amuser avec de nouveau formulaire pour les "aider à prescrire", et le tableau serait idyl
 
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