Déserts médicaux

Plan Bayrou contre les déserts : "Ce n'est pas un pacte, c'est une conscription déguisée", regrettent les médecins

S'il a eu le mérite de s'attaquer à l'épineux sujet des déserts médicaux en se positionnant contre la régulation de l'installation, le Premier ministre n'a pas convaincu les médecins avec sa liste de mesures énumérées vendredi 25 avril. Les médecins déplorent un plan "au doigt mouillé" qui va "déshabiller Paul pour habiller Pierre". 

28/04/2025 Par Sandy Bonin
Déserts médicaux

"Le Premier ministre a présenté un plan non finalisé. Sa principale mesure n'est ni faite ni à faire", a commenté d'emblée le Dr Jérôme Marty, président de l'UFMLS, quelques heures après la présentation du plan de François Bayrou contre les déserts médicaux vendredi 25 avril. En effet, la mesure emblématique du pacte du Gouvernement consiste à instaurer un principe "de responsabilité et de solidarité territoriale" de tous les médecins. Ces derniers devront s'engager à exercer "jusqu’à deux jours par mois" en zone sous denses. Ces consultations avancées auront un "caractère d’obligation", selon une source gouvernementale. Elles feront l’objet d’une "compensation financière" pour les médecins qui participeront ; à l’inverse, ceux qui ne joueraient pas le jeu pourraient être pénalisés. Afin d'assurer la continuité des soins dans leur cabinet, les médecins pourront solliciter des remplaçants.

"Un pacte est, par définition, un accord mutuel, fondé sur la liberté et la réciprocité. Ici, l'État impose. Ce n'est pas un pacte, c'est une conscription déguisée", relève le Dr Frédéric Villeneuve, président de la branche "généralistes" de la FMF. 

"Comment tout cela sera financé ? Que faire des patients ? On sent que tout cela a été fait au doigt mouillé", regrette de son côté le Dr Marty, qui aurait aimé que le Gouvernement s'inspire des solutions élaborées par son syndicat pour favoriser l'accès aux soins. 

Si Médecins pour demain (MDP) a tenu à saluer la prise de position du Premier ministre qui a écarté l'idée de régulation de l'installation et "a eu le courage de se saisir du problème des déserts médicaux, l’un des plus grands défis de notre système de santé", le collectif estime que la mesure phare de François Bayrou "revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul". 

"À qui laissons-nous nos patients habituels pendant ce temps ? Comment garantir la qualité et la continuité des soins avec des semaines de travail dépassant déjà les 55 heures ? Comment demander aux médecins, dont un tiers a plus de 60 ans, d’enchaîner des gardes de nuit profonde sans repos compensateur, en dépit de toutes les règles de sécurité applicables ailleurs en France et en Europe ?", s'interroge MPD, qui craint que ce plan n'engendre une accélération "des déplaquages et des désertions, aggravant la crise au lieu de la résoudre". 

Maquiller une absence

"Envoyer des médecins quelques jours par mois dans les déserts médicaux, c’est : faire croire à une présence. Maquiller une absence. Cela ne crée pas d’offre de soins pérenne. Cela ne tisse aucun lien durable entre les soignants et les habitants. Cela ne restaure pas la confiance indispensable à l’efficacité du soin. Soigner, ce n’est pas traverser un territoire, c’est tisser une relation de confiance, ancrée dans la durée", regrette le Dr Frédéric Villeneuve. 

Le manque d'organisation pratique est également mis en avant par les médecins. Il faut que les "collectivités territoriales, les communes, puissent mettre à disposition un local, où on puisse effectuer une consultation, un accueil, un secrétariat, et puis le minimum : une chaise, un bureau, un ordinateur, un accès Internet, une table d'examen médical, voilà, on ne demande pas la lune", précise aussi à l'AFP le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. 

"C'est le côté contraignant qui ne va pas", abonde la Dre Agnès Gianotti, présidente de MG France. "Le principe de solidarité territoriale, nous ne sommes pas contre, mais il faut laisser les médecins s'organiser eux même et sur la base du volontariat", détaille-t-elle à Egora. "La contrainte ça n'est jamais une bonne idée", conclut-elle. "Nous refusons cette illusion collective qui, sous prétexte d’urgence, sacrifie la liberté et la qualité des soins. Nous refusons d’être instrumentalisés pour masquer l’échec de décennies d’abandon. Et nous tendons la main pour construire, ensemble, une solidarité authentique, celle qui respecte, celle qui rassemble, celle qui soigne vraiment", appuie le Dr Villeneuve. 

"La coercition en réponse à cette pénurie n’est pas une solution adéquate ; elle a des répercussions sur la jeune génération, ce qui est inacceptable. Il est donc essentiel de privilégier des solutions intergénérationnelles et d’assurer l’équité des mesures pour tous, qu’ils soient salariés du privé ou public ou libéraux", estime, pour sa part, le syndicat Avenir Spé dans un communiqué. "Nous sommes tous prêts à mettre en place des actions immédiates pour tenter de trouver des solutions pour tous nos concitoyens, le plus rapidement possible mais nous ne voulons pas être les boucs émissaires des mauvaises décisions qui ont été prises par les pouvoirs publics d’hier, et seules les solutions équitables pourront être retenues sous peine d’échec de ce nouveau pacte", estime ainsi le Dr Patrick Gasser, président d'Avenir spé. 

 

Certaines mesures sont "positives"

"Il y a certaines mesures positives, notamment sur la formation, dont les stages hors des CHU. Ça va dans le bons sens", tempère auprès d'Egora Lucas Poittevin, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). L'externe est toutefois plus partagé sur l'engagement jusqu'à deux jours dans les déserts. "Ce n'est pas très clair, on s'interroge sur cette mesure. On a l'impression que cela ajoute une complexité. Logistiquement, ça semble compliqué. Notamment pour certaines spécialités qui nécessitent du matériel spécifique. Et puis, aujourd'hui on passe tout de suite à la contrainte", déplore le jeune homme, qui appelle plutôt une simplification de l'exercice mixte. 

"Ce plan a au moins le mérite d'exister, mais il faut maintenir la grève car la loi Garrot est toujours menaçante. En résumé, on pourrait dire que c'est en progrès mais peut mieux faire", plaisante le Dr Marty.

Les étudiants en médecine, et certains praticiens "seniors", sont entrés en grève ce lundi 28 avril pour dénoncer la PPL Garot. Les manifestations, prévues mardi 29 avril, à Paris et dans différentes villes sont aussi maintenues

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Un tarif de consultation est pour moi une moyenne, parfois très courtes en dehors du besoin de parler un peu avec le patient, parf... Lire plus

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il y a 14 jours
Avec un salariat DECENT, - dans des bus-France-Service-de-Santé itinérants, électriques (bilan carbone oblige) - avec régénérateur thermique (solaire ou "nucléaire") pour évoluer en terrain déser
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il y a 18 jours
J’ai une contre proposition qui sera à prendre ou à laisser (pour ma part il est absolument hors de question d’accepter une obligation d’aller exercer 2 jours par mois en zone rouge , j’ai rempli mes
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il y a 19 jours
"Afin d'assurer la continuité des soins dans leur cabinet, les médecins pourront solliciter des remplaçants." Faut-il encore en trouver et comme nos patients préfèrent leur médecin habituel à un rempl
 
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