
Affaire Le Scouarnec : des collectifs veulent retirer "tout pouvoir disciplinaire" à l'Ordre des médecins
Plusieurs médecins qui avaient alerté sur les agissements de Joël Le Scouarnec, dès 2006, doivent être entendus ce mardi 22 avril par la cour criminelle départementale du Morbihan. A cette occasion, des associations de victimes et des collectifs féministes appellent au rassemblement devant le siège de l'Ordre des médecins, à Paris, pour dénoncer – une nouvelle fois – son inaction dans cette vaste affaire de pédocriminalité.

Dans cette affaire, ils endossent le rôle de "lanceurs d'alerte". Plusieurs médecins* doivent être entendus, ce mardi, par la cour criminelle départementale du Morbihan dans le cadre du procès de Joël Le Scouarnec, ancien chirurgien jugé pour viols et agressions sur près de 300 patients – mineurs pour la plupart. Parmi ces "lanceurs d'alerte", Thierry Bonvalot. Dès juin 2006, ce psychiatre qui exerçait dans le même hôpital, à Quimperlé, avait alerté la direction de l'établissement ainsi que le conseil de l'Ordre des médecins du Finistère sur les agissements de son confrère, déjà condamné pour détention d'images pédopornographiques en 2005. La Direction départementale des affaires Sanitaires et sociales (DDAS) est également informée.
"Toutes ces institutions, jusqu'au plus haut niveau, ont ignoré les différentes alertes à ce sujet pendant toutes ces années", dénoncent à nouveau une dizaine de collectifs et associations, parmi lesquels Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (VOG), Nous toutes, Stop violences médecins, le SNJMG, ou encore le Mouvement d'insoumission aux ordres professionnels, dans un communiqué diffusé ce mardi à l'occasion de l'audition des lanceurs d'alerte.
Mobilisées depuis le début du procès Le Scouarnec, qui s'est ouvert le 25 février, ces organisations pointent "la déresponsabilisation coupable de la plupart des institutions" : des gouvernements successifs, qui ont placé à la tête de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) des "personnes ayant pris ouvertement position contre l'obligation de signalement par les médecins des maltraitances faites aux enfants" ; de la justice, qui, "en 2005, n'a pas empêché Joël Le Scouarnec d'exercer" et "aujourd'hui à Vannes maltraite les victimes par manque des moyens nécessaires à leur accompagnement" ; du ministère de la Santé qui, "bien qu'informé de la situation dès 2006, n'a rien fait d'autre que de s'en remettre à l'Ordre des médecins".
L'Ordre des médecins permet donc de maintenir en place un pouvoir médical excessif et abusif
Ce dernier, est une nouvelle fois mis en cause en tant qu'"organisme privé chargé d’une mission de service public". "Son rôle est soi-disant de veiller au respect, par les praticiens, des règles de déontologie et de défendre l’indépendance et l'honneur de la profession", écrivent les collectifs et associations signataires du communiqué. Or, "l'Ordre des médecins s'est opposé par la voix de sa vice-présidente à la préconisation de la Ciivise de 'clarifier l’obligation de signalement des enfants victimes de violences sexuelles par les médecins'". "L'Ordre des médecins permet donc de maintenir en place un pouvoir médical excessif et abusif : il l'a fait en couvrant Joël Le Scouarnec, et bien d'autres médecins auteurs de violences graves, dont des violences sexuelles", accusent les signataires.
Et d'interroger : "Son existence n'est-elle pas plutôt là pour permettre à toutes les institutions précédemment citées de se défausser ?"
Les collectifs ont ainsi appelé au rassemblement, ce mardi midi, devant le tribunal judiciaire de Vannes et devant le Conseil national de l'Ordre des médecins à Paris. Ils réclament des actions concrètes. A commencer par "faire le procès des institutions qui, par leur inaction et leur silence, sont complices et coupables de la violence". Ils demandent également que soit retiré "tout pouvoir disciplinaire" à l'Ordre des médecins, "car sa juridiction d'exception est bien plus nocive qu'utile", et d'"augmenter les moyens de la justice de droit commun pour traiter ces affaires aux conséquences individuelles et collectives colossales".
Associations et collectifs réclament par ailleurs des "moyens financiers et humains" pour accompagner les victimes de Joël Le Scouarnec, "avec la mise en place d'une véritable cellule d'écoute psychologique financée par l'État". Un dispositif qui doit également être mis en place "dans toutes les juridictions du pays". Ils veulent également améliorer la formation de tous les professionnels au contact de mineurs "au repérage des signes d'exposition à la violence et au recueil de la parole". Et demandent un investissement annuel de 2,6 milliards d’euros pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Les violences subies par les patients (enfants ou adultes) doivent également être inclues dans le grand plan de luttes contre les VSS en santé lancé par le ministère en janvier dernier.
*Ouest-France évoque deux médecins "lanceurs d'alerte" quand France Inter en dénombre "au moins trois".
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