Manifestation des étudiants et médecins à Paris le 29 avril 2025

Manifestation des étudiants et des médecins à Paris, le 29 avril 2025. Crédit : Chloé Subileau

"On a déjà sacrifié 10 ans de notre vie" : des milliers d'étudiants et de médecins unis pour crier leur opposition à la régulation de l'installation

Plusieurs milliers d'étudiants, jeunes médecins et praticiens "seniors" ont défilé ce mardi 29 avril sous le soleil parisien avec un même objectif en tête : obtenir le retrait de la proposition de loi Garot et surtout, de sa mesure phrase visant à réguler leur installation. Egora était auprès d'eux. 

29/04/2025 Par Chloé Subileau
Reportage
Manifestation des étudiants et médecins à Paris le 29 avril 2025

Manifestation des étudiants et des médecins à Paris, le 29 avril 2025. Crédit : Chloé Subileau

"Non ! Non ! Non à la coercition !", "Tout le monde déteste la loi Garot !", "Si tu ne veux pas de la loi, tape dans tes mains !"… C'est une marée de blouses blanches qui a envahi les rues de la capitale ce mardi 29 avril, pancartes à la main et slogans au bout des lèvres. Venus de toute la France, ils étaient entre 5000 et 8000 étudiants, jeunes médecins et praticiens "seniors" – selon les syndicats - à défiler entre le Panthéon et la place Vauban, sous un large soleil. D'autres manifestations étaient organisées partout en France.  

L'objectif de toutes ces mobilisations ? Dénoncer le vote, début avril par les députés, de la régulation de l'installation des médecins lors de l'examen de la proposition de loi du député Guillaume Garot. Et, malgré la bonne humeur ambiante et l'enchaînement de musiques entrainantes, les manifestants - qui ont répondu à l'appel des principaux syndicats et organisations représentant les étudiants et médecins* - étaient déterminés à obtenir le retrait de ce texte. "Cette proposition de loi ne vient pas résoudre les véritables problèmes du système de santé, car le problème n'est pas la répartition des médecins sur le territoire, mais bien le nombre", a rappelé Lucas Poittevin, président de l'Anemf, à quelques pas du cortège. 

Le texte du député Garot, qui doit faire son retour à l'Assemblée le 6 mai, vient seulement "contraindre l'exercice libéral, saper des vocations et en même temps, ne pas résoudre les problèmes auxquels [il] prétend faire face", a insisté l'externe. 

Cette proposition de loi "ne répond pas aux attentes et aux besoins des médecins pour répondre aux besoins de santé de la population. Les médecins attendent du soutien, des meilleures conditions de travail, que l'on puisse agir avec eux, et non pas contre eux, pour améliorer l'accès aux soins", a abondé le Dr Raphaël Dachicourt, président du syndicat Reagjir, aussi présent parmi les manifestants. "Les médecins sont déjà engagés sur le territoire, ils donnent le maximum de ce qu'ils peuvent faire", a-t-il ajouté, rappelant que de nombreuses alternatives à la régulation de l'installation ont déjà été présentées par la profession

Pour Héloïse, 22 ans, externe en cinquième année à Dijon, la fin de la liberté d'installation des praticiens "ne va faire qu'empirer" la situation. "On est tous contre les déserts médicaux", a assuré ce mardi l'apprentie médecin, vêtue d'une blouse blanche. "Mais cette proposition de loi ne va pas nous aider. Le problème [en France, NDLR], ce n'est pas la répartition, mais la pénurie" de praticiens. Or, réguler l'installation de ces professionnels ne résoudra pas cette pénurie, a insisté l'étudiante, quelques minutes avant le lancement de la manifestation.  

Une telle mesure va seulement "dégouter les jeunes médecins de l'exercice libéral" et encore "moins leur donner envie de s'installer", a également lancé la jeune femme, un sifflet rose fuchsia autour du cou. Elle craint aussi que la mise en place d'une coercition renforce les problèmes de santé mentale des praticiens.  

"Un pansement sur un gouffre" 

"Cette loi", et sa mesure principale, "seraient absolument délétères pour le système de soins, et pour les médecins", a confirmé Solène, quelques mètres plus loin. L'étudiante en troisième année de médecine à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, a insisté : "C'est une solution rapide et de facilité. Nous, on demande à ce que le nombre de médecins augmente. Ça fait des années que l'on veut que [ça] augmente." 

Sans hausse du nombre de praticiens formés et des moyens alloués aux universités et aux CHU, la régulation de l'installation revient à "mettre un pansement sur un gouffre", a de son côté estimé Elise. "On va bientôt atteindre le pic de la pénurie", a-t-elle rappelé, entourée de blouses blanches. A 27 ans, l'interne en dernier semestre de médecine générale craint de se voir imposer son lieu d'installation – et de vie -, alors qu'elle a "déjà fait dix ans d'études et beaucoup de sacrifices".  

Un sentiment partagé par Lola, à quelques pas du Panthéon : "La régulation serait encore un sacrifice alors qu'on a déjà sacrifié dix ans [de notre vie]." "On a envie de pouvoir souffler" une fois que l'on est diplômé, et de ne pas se voir imposer le lieu d'exercice, a soufflé l'interne en fin de troisième semestre de gériatrie, prête à s'élancer auprès des autres étudiants. "Ça commence à faire beaucoup", a abondé Marie, à ses côtés. 

Marie et Lola, internes en médecine générale et en gériatrie. Crédit : Chloé Subileau

Au-delà de la régulation de l'installation, les deux jeunes femmes – comme de nombreux autres carabins - dénoncent l'ensemble de la proposition de loi Garot, et notamment son article 4 qui prévoit de rétablir l'obligation de participation à la PDSA pour les praticiens. "Comment on va faire si on doit [obligatoirement] faire des gardes la nuit, et assurer notre travail le lendemain ? On ne pourra pas. Ce n'est pas réalisable", a notamment tonné Marie, interne en médecine générale. 

"La coercition ne marche pas. Ce qui marche, c'est l'attractivité" 

Si de nombreux étudiants étaient dans les rues ce mardi, quelques praticiens déjà installés - plus ou moins âgés – ont aussi tenu à être présents. C'est le cas du Dr Bruno Perrouty, neurologue libéral à Carpentras (Vaucluse), qui a souhaité "soutenir le mouvement des jeunes médecins, des étudiants et des internes", car "la coercition ne marche pas". "Ce qui marche, c'est l'attractivité. Il faut aider ces jeunes médecins à pouvoir s'installer dans de bonnes conditions", a affirmé à Egora le praticien, par ailleurs président des spécialistes de la CSMF.  

Pour pousser les praticiens à s'installer dans tous les territoires, "il faut dynamiser" ces espaces, en plus d'augmenter le nombre de soignants formés, pense aussi Elise. "On ne veut pas aller dans un endroit sans école, sans commerce, sans rien…", a ajouté la future généraliste, haussant la voix pour se faire entendre. 

Pour calmer la "grogne" des praticiens, le Premier ministre, François Bayrou, a présenté un "pacte de lutte contre les déserts médicaux". Sa mesure phare : obliger les médecins, généralistes comme spécialistes, à aller exercer jusqu'à deux jours par mois dans les territoires les moins dotés.

Mais pas de quoi apaiser les manifestants ce mardi, bien au contraire. "Les annonces de Bayrou n'ont aucun sens", a lâché Lola, une pancarte "Ni chaine, ni Garot" à la main. "Comment on va pouvoir prendre un charge un patient qu'on ne connait pas ? Qui va remplacer les médecins qui partent pendant ces deux jours ?", s'est interrogée l'interne en gériatrie, agacée. Des questions partagées par Héloïse : "Comment on va faire pour le matériel ? Est-ce que les médecins vont exercer dans des locaux, dans des camions ?". "Cela serait aussi une perte de temps en termes de trajet, de consultations dans les endroits où sont installés" les praticiens obligés d'aller exercer dans ces déserts médicaux, a poursuivi l'externe. 

Félicie et Solène, externes à Paris. Crédit : Chloé Subileau

Si les étudiants et médecins se sont déjà bien échauffés la voix ce mardi dans les rues de Paris, la mobilisation est loin d'être terminée. Depuis lundi déjà, à l'appel des principales organisations représentatives des carabins et de la profession, de nombreux étudiants ont débuté une grève illimitée. Selon les syndicats, 15 000 internes se sont déclarés grévistes sur tout le territoire. Côté externes, difficile encore de donner des chiffres exacts. "On table sur à peu près un sur deux, donc à peu près 15 000 externes en grève", indique Lucas Poittevin, de l'Anemf. "On va [continuer] à se mobiliser jusqu'au vote de la PPL, ensuite ce sont les étudiants qui nous diront ce qu'ils veulent faire." 

Certains médecins, en particulier libéraux, suivraient aussi le mouvement. "Mais c'est assez variable", reconnait Raphaël Dachicourt, qui précise cependant que la grève de la PDSA, de la PDSES et du SAS serait plus suivie. "On a déjà pu voir quelques réquisitions." 

Les représentants des syndicats ont été reçus en fin d'après-midi au ministère de la Santé. Contacté par Egora, le président de l'Isnar-IMG, Bastien Bailleul, a indiqué en fin de journée que le ministre, Yannick Neuder, avait lors de cet entretien "réaffirmé son opposition à la coercition". "Il s'[y] opposera la semaine prochaine devant l'Assemblée nationale", a ajouté le représentant syndical. "On a également pu discuter du pacte proposé par François Bayrou [vendredi dernier], et nous sommes vraiment écoutés et pouvons travailler avec eux. La semaine prochaine pour le vote de la loi Garot, l'enjeu est de trouver une voie alternative qui pourrait être ce pacte retravaillé."

 

*Cette mobilisation a été lancée par l'Anemf, l'Isni, l'Isnar-IMG, Reagjir, Médecins pour demain, MG France, le SML, la CSMF, l'UFML-S, la FMF, Avenir Spé-Le Bloc, SOS Médecins. 

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Un tarif de consultation est pour moi une moyenne, parfois très courtes en dehors du besoin de parler un peu avec le patient, parf... Lire plus

2 débatteurs en ligne2 en ligne
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483 points
Débatteur Renommé
il y a 17 jours
Au lieu de manifester ... ce dont le gouvernement se fiche complètement, il y a un moyen de pression beaucoup plus efficace, qui mobilise moins de temps : à 8.000, si chacun veut contacter le cabinet
Photo de profil de Guy Andre Pelouze
454 points
Débatteur Renommé
Médecins (CNOM)
il y a 17 jours
Quelques contradictions. 1/ On ne peut pas avoir signé une convention d’exercice exclusif avec un monopole d’État et refuser efficacement la planification soviétique que ce même monopole rêve de leu
Photo de profil de Gérard NoËt
1,6 k points
Débatteur Passionné
Pharmaciens (CNOP)
il y a 17 jours
Ces propos malheureux de "dix de sacrifice " pour des études scientifiques et humanistes sont désespérants. Mes années d interne en pharmacie à l APHP ont été les plus belles de ma vie suivies par le
 
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