Les douleurs musculaires sous statines dépendent-elles d’un effet nocebo ?

29/06/2017 Par Pr Philippe Chanson
Cardio-vasculaire HTA

Dans les études randomisées contrôlées en aveugle, le traitement par statines est associé à peu d’effets secondaires. En revanche, dans les études observationnelles, les effets secondaires, souvent nombreux, sont plus fréquents.

Afin d’analyser les effets secondaires -en particulier musculaires- des statines, une équipe d’investigateurs de l’étude ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial) a repris les données concernant les effets secondaires rapportés au cours des diverses phases (randomisées puis ouvertes) de l’étude. Dans cette étude, des patients âgés de 40 à 79 ans ayant une hypertension et au moins trois autres facteurs de risque cardiovasculaire ainsi qu’un cholestérol total à jeun ≥ 6.5 mmol/l ont été assignés de manière randomisée à l’atorvastatine 10 mg/jour ou à un placebo. L’étude a été menée initialement de manière randomisée, en double insu, versus placebo, puis s’est poursuivie par une phase d’extension non randomisée, non aveugle (mise en place à la suite de l’arrêt prématuré de l’essai du fait de l’efficacité de l’atorvastatine), au cours de laquelle tous les patients se sont vus proposer l’atorvastatine 10 mg/jour en ouvert. Les auteurs ont comparé les effets secondaires de la période placebo en aveugle et les effets secondaires de la période ouverte. Dans la phase randomisée en aveugle, 10 180 patients ont été inclus dans l’analyse (5 101 dans le groupe atorvastatine et 5 079 dans le groupe placebo) avec un suivi médian de 3.3 années. Dans la phase ouverte non randomisée, 9 899 patients ont été inclus dans l’analyse (6 409 utilisateurs d’atorvastatine dans la première phase et 3 490 non utilisateurs d’atorvastatine dans la première phase) avec un suivi médian de 2.3 années. Au cours de la phase aveugle, les effets secondaires d’ordre musculaire ont été rapportés dans le groupe traité par atorvastatine de manière aussi fréquente (298, soit 2.03 % par an) que dans le groupe traité par placebo (283, soit 2 % par an ; hazard ratio = 1.03, IC 95 % = 0.88-1.21, p = 0.72). Il en était de même de la dysfonction érectile, aussi fréquente dans le groupe atorvastatine (272, soit 1.86 % par an) que dans le groupe placebo (302, soit 2.14 % par an ; HR = 0.88 ; 0.75-1.04, p = 0.13). Les troubles du sommeil étaient significativement moindres chez les participants recevant de l’atorvastatine par rapport à ceux qui recevaient du placebo (149, soit 1 % par an versus 210, soit 1.46 % par an ; HR=0.69 ; 0.56-0.85, p = 0.0005). Il y a eu trop peu d’altérations cognitives pour une analyse statistique. Il n’y a pas eu de différence significative dans les taux des autres effets secondaires rapportés, à l’exception d’un excès d’effets secondaires rénaux et urinaires chez les patients recevant l’atorvastatine (481, soit 1.87 % par an versus 392, soit 1.51 % par ; HR = 1.23 ; 1.08-1.41, p = 0.002). En revanche, au cours de la phase ouverte, non aveugle, les effets secondaires musculaires ont été rapportés à un taux significativement supérieur par les participants qui prenaient la statine en comparaison de ceux qui ne la prenaient pas (161, soit 1.26 % par an versus 124, soit 1 % par an ; HR = 1.41 ; 1.10-1.79, p = 0.006). Aucune différence significative n’a été notée entre les utilisateurs de statines et les non-utilisateurs de statines pour ce qui concernait les taux des autres effets secondaires, à l’exception des troubles musculo-squelettiques et des tissus conjonctifs (992, soit 8.69 % par an versus 831, soit 7.45 % par an ; HR = 1.17 ; 1.06-1.29, p = 0.001) et dans les troubles sanguins et lymphatiques (114, soit 0.88 % par an versus 80, soit 0.64 % par an ; HR = 1.4 ; 1.04-1.88, p = 0.03) rapportés plus fréquemment chez les utilisateurs de statines. Ces analyses illustrent l’effet nocebo avec un taux supérieur d’effets secondaires d’ordre musculaire uniquement lorsque les patients et leurs médecins savent que le traitement par statines est utilisé et non lorsque son utilisation est en aveugle. Ces résultats devraient aider à expliquer aux médecins et aux patients que la plupart des effets secondaires associés aux statines ne sont pas liés à l’utilisation du médicament et devraient également aider à contrer les reproches exagérés faits aux effets secondaires des statines, reproches qui ont un effet délétère en termes de santé publique.

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