
Téléconsulter un médecin dans une gare SNCF, c'est désormais possible
L'appel d'offres, lancé en 2023, avait fait polémique chez les médecins. Mais il a néanmoins abouti à l'ouverture, le 20 janvier dernier, d'un premier centre de téléconsultation assistée par une infirmière, situé dans l'enceinte même de la gare SNCF d'Epinay-sur-Orge (Essonne). Dans les prochains mois, la société Doxamed pourrait ouvrir trois nouveaux centres.

A la gare d’Épinay-sur-Orge, 70 m² ont été entièrement dédiés à la santé. Dans cet espace de téléconsultation assistée donnant sur la place Stalingrad, qui a ouvert ses portes le 20 janvier dernier, se trouvent "un accueil, un espace de prélèvements biologiques et de soins infirmiers, une salle pour la télémédecine où l’infirmière connecte le patient et le suit de A à Z pour la téléconsultation et des sanitaires PMR, permettant de faire des prélèvements urinaires", présente Arnaud Molinié, président de Doxamed, le groupe à l’origine de ce dispositif.
L’idée du projet date en réalité de plusieurs années. "Quand la crise Covid est arrivée, je travaillais pour le groupe Loxam, avec lequel nous avons eu l’idée d’utiliser des bungalows de chantier pour y mettre à l’intérieur de la télémédecine connectée assistée d’une infirmière, se rappelle-t-il. La première opération menée était pour la mairie de Paris qui, en mars 2020, m’avait demandé si ça pouvait faire sens d’en mettre un au pied d’un foyer de travailleurs de migrants dans le 19e arrondissement de Paris. Car, il y avait un problème de contamination de 400 individus qui travaillaient notamment dans la propreté urbaine."
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D’avril à juin 2020, un local y a été installé. "Ce dispositif a été extrêmement efficace. Nos médecins étaient à distance, et des infirmiers manipulaient neuf objets connectés, qui prenaient la tension, le rythme cardiaque… À l’aide de ces appareils, le médecin voyait les différentes constantes de l’individu et détectait les symptômes Covid. Ça m’avait époustouflé. Je me suis dit que ce matériel-là, manipulé par une infirmière, copiloté par un médecin, donnait des résultats exceptionnels. Ça a forgé ma conviction dans cette approche à la fois technologique et humaine."
Convaincu, Arnaud Molinié propose à la SNCF d’installer une quarantaine de bungalows dans les gares parisiennes et une trentaine en région, pour dépister et vacciner tout au long de la crise Covid. "C’est ce qui a donné l’idée à la SCNF de lancer cet appel d’offres."

Fin 2023, le groupe Doxamed remporte officiellement l’appel d’offres. "Nous avons l’exclusivité pendant cinq ans. La SNCF nous a dit : ‘vous vous installez dans chaque gare pendant le temps que vous voulez, mais charge à vous d’en assurer le financement’. Le prix du loyer pour chaque gare est compris entre 1 500 et 2 000 euros par an. C’est la contribution de la SNCF à ‘l’effort de guerre’ contre les difficultés d’accès aux soins en France." A l'époque, l’annonce avait fait polémique auprès des médecins. L’Ordre avait fait part de son "inquiétude" et l’UFML évoquait de son côté des "cabines à fric".
54 téléconsultations depuis l'ouverture
Depuis le 20 janvier, 75 actes ont été réalisés dans ce centre, dont "54 téléconsultations, 12 soins infirmiers et 9 prélèvements sanguins". Si le nombre ne semble pas "immense", le président de Doxamed rappelle que les plages horaires d’ouverture sont réduites : "de 7h à 10h et de 17h à 18h", pour s’adapter aux habitudes des patients voyageurs.
À l’intérieur du centre, une vingtaine de médecins (généralistes et urgentistes, notamment) se relaient derrière l’écran tandis qu'une infirmière, présente sur place, prend en charge les patients. Elle peut dispenser des soins infirmiers, comme changer un pansement, et peut également effectuer des prélèvements biologiques. "Là, ça touche des catégories de personnes plus jeunes qui prennent le train", confie Arnaud Molinié. L’infirmière s’occupe, enfin, des téléconsultations assistées.
Infirmière comme médecins ont tous ont dû être formés à cette pratique. "L'infirmière que nous employons a suivi un cycle de formation et sait se servir de façon extrêmement professionnelle des outils connectés et des logiciels qui vont avec, insiste le président de Doxamed. On va aussi contribuer à la formation des infirmières IPA en particulier sur les volets de médecine et d’outils connectés que nous utilisons. C’est intéressant pour elles comme pour nous, car elles apprennent d’une certaine manière un métier nouveau." Aujourd’hui, "environ une vingtaine d’outils" sont mis à disposition.
Côté rémunération, "nous ne touchons pas au remboursement de l’infirmière ni du médecin [qui sont tous conventionnés en secteur 1]. À Épinay-sur-Orge, c’est une expérimentation, que Doxamed finance à 100%", explique Arnaud Molinié. Lui espère que la téléconsultation assistée d’une infirmière qualifiée "vaudra un jour financement. On pense que que cette téléconsultation assistée va dans le sens de l’histoire. Il s’agit d’une nouvelle utilisation de la compétence des infirmières, les plaçant en interface entre le médecin, le patient et les nouvelles technologies. On a besoin [des infirmières] pour faire le lien entre les deux et pour le côté humain."

Le modèle économique reste cependant encore à déterminer. "Ça ne passera pas par des subventions des collectivités territoriales, ça passera par des initiatives privées et par des entreprises privées qui ont intérêt, au plan national ou régional, de développer l’accès aux soins pour tous." À Épinay-sur-Orge, trois médecins généralistes sont déjà installés sur place. "En ouvrant notre espace de santé, on n’est pas en concurrence, on propose simplement de nouveaux créneaux d’accès aux soins".
Avant d’ouvrir ce centre en Essonne, Arnaud Molinié a réalisé un tour de France pour savoir quels sont les lieux qui ont le plus besoin de ce dispositif. "On a une base de données avec toutes les gares, on les évalue ensuite en coopération avec les ARS pour voir si là où on s’installe, il n’y a pas déjà un projet qu’elles ont financé et qui ferait doublon", explique-t-il. Le président de Doxamed a ainsi pu découvrir que sur les 3 000 gares de la SNCF, "2 200 sont en zone d’intervention prioritaire (ZIP)".
Le dispositif est appelé à s'étendre ailleurs en France. "On a d’autres gares en tête comme celle de Massy-Palaiseau", annonce-t-il, tout en précisant être également "en train de travailler sur la gare de Juvisy". "En Auvergne-Rhône-Alpes, la Région et la mairie de Montluçon sont également très intéressées de nous voir nous y implanter", ajoute-t-il. Ces trois gares devraient ouvrir un espace de santé "soit en fin d’année, soit début 2026".
L’objectif annoncé était de 300 centres de téléconsultations assistées dans des gares d’ici 2028. "On a toujours cet objectif, confie le président de Doxamed, c’est un investissement et un pari sur un modèle novateur et innovant."
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