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"Onéreux", "souvent irréguliers" : "boom" des contrats temporaires de médecins à l'hôpital

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale, la Cour des comptes a consacré un chapitre sur le recours aux emplois temporaires dans les hôpitaux publics. Elle montre que 11% de l’effectif des praticiens dans ces établissements est constitué de contractuels, et alerte sur les dérives de cette pratique.

31/05/2024 Par Louise Claereboudt
Hôpital intérim
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Un véritable "boom". "Au cours des vingt dernières années", le recours aux emplois temporaires de médecins a explosé à l'hôpital public pour compenser le manque de praticiens hospitaliers. C'est ce que constate la Cour des comptes dans son rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale, paru mercredi 29 mai. Elle consacre un chapitre entier à la question. S'ils étaient 7846 en 2017, les praticiens contractuels étaient plus de 11 000 à l'hôpital public en 2022. Sur la même période, "leur part dans l’effectif médical total a progressé de 29% à 33%".

interim

Ces praticiens contractuels représentent actuellement 11% de l'effectif de médecins dans les établissements publics. La Cour des comptes note que le recours aux personnels temporaires est d'autant plus important dans les petits hôpitaux (30 % de l’effectif de médecins contre 6 % dans leDs CHU). C'est souvent, pour eux, "la seule solution pour assurer la permanence des soins", soulignent les Sages.

Ces contrats temporaires sont "onéreux" et "souvent irréguliers" du fait des "rémunérations dépassant les plafonds réglementaires", alerte la Cour, constatant à nouveau "des niveaux de rémunérations plus élevés dans les petits hôpitaux". Un peu plus de 6O% des hôpitaux publics ont payé leurs praticiens contractuels au-delà du plafond réglementaire. Au total, les montants payés à des médecins contractuels au-delà de ces plafonds se sont élevés à 180 millions d'euros en 2021.

Les hôpitaux ont aussi payé pour 160 millions d'euros de contrats d’intérim par des entreprises de travail temporaire et 320 millions d'euros d’heures supplémentaires à leurs médecins.

"Des effets concurrentiels délétères"

Ce "boom" du recours aux contrats temporaires – pas uniquement intérimaires – ont des conséquences néfastes sur "l'attractivité" du statut de praticien hospitalier, s'inquiète la Cour, qui peut "moins facilement concilier vie professionnelle et personnelle" (instabilité de leurs plannings par exemple). Certains PH gagnent en outre sensiblement moins que les contractuels, ce qui engendre "un sentiment d'iniquité, voire de ressentiment". "Les écarts de rémunération entre statuts pour un même travail induisent des effets concurrentiels délétères", peut-on lire.

Autre conséquence directe : une plus grande instabilité des équipes médicales, qui "fragilise le fonctionnement des services", juge la Cour des comptes, qui souligne par ailleurs les risques pour la sécurité des patients. En plus d'avoir créé des "effets d'aubaine" n'ont, en outre, pas permis d'éviter les fermetures ponctuelles ou récurrentes de services, constatent les Sages.

Si l'application de la loi Rist a permis, depuis en avril 2023, de plafonner la rémunération des médecins intérimaires, la Cour des comptes appelle à aller plus loin. "Pour que la régulation du recours à l’emploi temporaire soit plus efficace, elle ne doit pas être conduite seulement à l’échelle des hôpitaux mais s’inscrire dans une stratégie de réorganisation territoriale de l’offre de soins fondée sur des seuils d’activité minimaux par sites géographiques", estime la Cour.

Celle-ci formule plusieurs recommandations, que le Gouvernement n'est, pour rappel, pas obligé d'appliquer. D'abord, "contingenter les contrats d’emplois temporaires et les primes de solidarité territoriale* par groupement hospitalier de territoires et confier à ces derniers le soin de les répartir entre les établissements qui en font partie" et "rendre obligatoire un recueil périodique du recours aux emplois temporaires par catégorie pour chaque établissement".

Elle suggère également de faire dépendre la revalorisation des indemnités de sujétion des gardes et astreintes de la mutualisation des ressources médicales au sein du territoire. Mais aussi de définir "de manière plus stricte" les règles de recours à certaines contrats temporaires, en l'occurrence le contrat de type 2.

 

 

*"La création en parallèle de la prime de solidarité territoriale, versée aux praticiens hospitaliers qui s’engagent dans un établissement autre que celui auquel ils sont rattachés au-delà de 48 heures hebdomadaires, a un bilan mitigé, pour un coût de 66 millions d'euros en 2021", note la Cour. 

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C'est absolument formidable , quand je me repose sur un transat, avec dans mon verre une orange fraichement pressée, en compagn... Lire plus

11 commentaires
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 mois
Après les tutelles, après le (les) ministre(s), V’la-t-y pas que c’est la cour des comptes qui « découvre le problème » !!! Et toujours par le petit bout de la lorgnette. Cela étant, il y a ...Lire plus
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1,7 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
La cour des comptes fait un constat , comme souvent mais sans approfondir jusqu' à la racine du problème . Donc Madame Monsieur de la cours des comptes , nouvelle réunion , pourquoi faut il avoir reco...Lire plus
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 mois
Depuis 2022, il y a un contrôle des loyers à Montpellier. Parait-il que maintenant, pour louer, il faut verser un pourboire. Est-ce que les Sages vont comprendre que c'est exactement le même phéno...Lire plus
 
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